A l'imaginaire, la fiction
Ce serait reposant de me distraire de moi, armée de fantaisie, d'onirisme
Mon prochain voyage m'inspire ... Voyons où la plume me mène...

L’Afrique
J’ai l’ai toujours ignorée
Convaincue que ce continent, que l’on dit magnétique, ces terres qui vous dévorent au premier regard sans jamais vous rendre la liberté, n’avaient pas de prise sur moi
Peut être parce que ces contrées de feu et de sang
sont si intimement part de mon être, qu’elles n’avaient pas à s’offrir.
Elles étaient là
Déjà
Encrées dans ma chair par l’histoire d’une petite fille qu’elles ont enfantée
Une petite fille qui a vu son destin deux fois, mille fois déchiré de la quitter.
On croit encore aux lions à quatre ans, on tire la langue aux macaques, on partage ses secrets avec une jeannette.
On se fie à Papa et maman à quatre ans.
Elle exulte d’être autorisée à les accompagner saluer le capitaine Stan sur son fantastique navire appareillé pour la traversée vers l’Europe.
Elle ne se lasse pas de courir les coursives les yeux fermés, défiant sa mémoire.
S’enivre des effluves du pont martelé de soleil marié aux parfum délicat des précieuses accrochées au bras d’un rigide costume clair.
Dans la timonerie, ses parents palabrent, évoquant pour Stan des sujets aussi futiles que la politique coloniale, ignorant tragiquement, là, à portée de doigts, la concentration ultime et merveilleuse d’instruments fascinants.
Déjà, elle appareille d’un regard, avant de se lancer à l’abordage de la pouponnière, sur le pont inférieur.
Endroit magistral s’il en est ….
Un océan de couleurs, un bataillon de crayons attendent sa patte, une armée de poupées
l’espèrent sagement, des tonnes de cubes, des rivières de pâte à modeler.
La terre promise.
Elle joue sous le regard de nurses attentives, plus attachées au confort d’une vaine bourgeoisie délivrée de progéniture le temps d’une traversée, que dédiée à cette piaillante marmaille dorée.
Lorsque la sirène qui annone le départ la tétanise …
Papaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !
Elle a déjà compris que sa course effrénée ne la délivrerait pas.
Tout son être sait. Ils sont partis.
La sirène explose dans sa tête. La maladie, en un instant, reprends le dessus, lui brise les jambes.
La fraîcheur de la moquette contre ses cuisses est presque douce, la garde de la mort qui rôde.
Déchirée, terrassée
Abandonnée.
Elle ouvre les yeux à l’infirmerie, jamais elle n’avait été si seule.
Comment le monde a-t-il cessé d’exister alors qu’elle est toujours là ?
La déshydratation la prive de larmes. Elle se tient compagnie en pensées.
Peut-être est-ce cela la malaria, être abandonnée sur l’océan.
Elle ne peut imaginer, dans la fraîcheur de la maison cernée de bougainvilliers, sa mère, dévastée.
Elle ignore que l’étincelle, sur laquelle elle voltigeait, dans les yeux de son père, à tout à coup disparu, et que jamais elle ne reviendra.
L’amputation qu’ils ressentent aujourd’hui est le prix à payer.
L’abandonner pour ne pas la perdre.
Ils n’auraient pas eu la force des adieux.
A Anvers, tante Simone trouvera les mots, consolera.
Réparera.
Peut-être …

Je dédie ce texte à cette petite fille que j'appelle maman